En Côte d’Ivoire, 12,8 millions de personnes utilisent Internet dont 7,55 millions sur Facebook et 5 à 6,5 millions pour Tik-Tok, selon le rapport digital 2025 de la Côte d’Ivoire disponible sur le site www.datareportal.com. Ces utilisateurs des réseaux sociaux publient, commentent et partagent des contenus…souvent en violation de la loi, sans qu’ils en soient toujours conscients.
Les infractions commises sur les plateformes numériques sont diverses et punies par des peines d’emprisonnement. Il s’agit, entre autres, de l’atteinte à l’honneur et à la dignité humaine ; de l’incitation à la haine ; l’incitation au trouble à l’ordre public ; la diffusion de fausses informations, etc.
Le partage de contenus numériques par la presse
L’article 89 de la Constitution interdit l’emprisonnement des journalistes. Cependant, le partage sur les plateformes numériques de la presse des contenus des internautes peut les conduire en prison. À ce propos, lors de la 39e session de l’ANP Académy, le 14 août 2025, le procureur de la République près le TGI d’Abidjan, Braman Koné Oumar, a laissé entendre que les journalistes encourent des peines pécuniaires et d’emprisonnement. Cela, en vertus des articles 17, 33, 58, 60, 62, 66 de la loi n°2013‑451 du 19 juin 2013 modifiée par la loi n°2023-593 du 7 juin 2023 relative à la cybercriminalité. En cela, la loi n° 2004 643 du 14 décembre 2004 portant régime juridique de la presse est encore plus détaillée. Elle dit à l’article 103 ceci : « Lorsque l’infraction résulte du contenu d’un message adressé par un internaute à un service de production d’informations numériques, et mis par ce service à la disposition du public dans un espace de contributions personnelles identifié comme tel, la responsabilité pénale du directeur de publication est engagée même s’il est établi qu’il n’avait pas effectivement connaissance du message avant la mise en ligne ». Et l’article 104 de cette même loi souligne la responsabilité de l’internaute en ces termes : « L’entreprise de presse propriétaire du journal, de l’écrit périodique ou de la production des informations numériques est tenue d’assurer le paiement des condamnations pécuniaires prononcées au profit des tiers, à charge pour elle d’en obtenir remboursement en cas de faute lourde des auteurs ». Ces amendes vont de 800 000 FCFA à plusieurs millions. Le non-paiement desdites sommes peut donner lieu à un emprisonnement.
Fausses informations, outrage, atteinte à la vie privée….
Il conviendrait de préciser que les internautes qui « fabriquent », partagent ou commentent les fausses informations ; des propos outrageants ou qui portent atteinte à la vie privée d’autrui, à travers les réseaux sociaux (Facebook, WhatsApp, Tik-Tok etc.) tombent sous le coup, à la fois, de la loi sur la cybercriminalité (articles 60 et 65) que du Code pénal (articles 183 et 450 1). Ainsi, toute personne qui partage une fausse information pourrait écoper de six mois à deux ans d’emprisonnement et de 1.000.000 à 5.000.000 de francs CFA d’amende. Et l’auteur d’une expression outrageante, que ce soit sous le forme de mépris ou d’invective, est puni d’un an à cinq ans d’emprisonnement et de 5.000.000 à 10.000.000 de francs CFA d’amende. De même qu’un emprisonnement de 6 mois à 1 an et une amende de 500 000 à 1 000 000 F CFA en cas d’atteinte à la vie privée. De nombreux cas de poursuites liées à ces infractions font d’ailleurs l’actualité. En 2023, un communiqué du procureur de la République, annonçait l’arrestation de quatre personnes qui ont relayé un message audio, invitant la population à « plus de vigilance dans les jours à venir et à regagner les domiciles à partir de 19 heures ». Selon le parquet, ces personnes avaient violé l’article 183 du Code pénal. De leurs côtés, ACS et KFD, deux entrepreneuses qui utilisent Tik-Tok pour promouvoir leurs activités ont été taxées par un individu sur les réseaux sociaux, leurs images à l’appui, comme étant des travailleuses de sexe. L’auteur a été poursuivi par le parquet pour les faits de diffamation, injures, atteinte à l’image et à l’honneur prévus par les articles 60 et 65 de la loi sur la cybercriminalité.
Quid des blogueurs, activistes et influenceurs ?
La loi n°2022-979 du 20 décembre 2022 portant régime juridique de la communication audiovisuelle considère les blogueurs, activistes ou influenceur qui disposent d’au moins 25 000 abonnés en ligne comme des acteurs de la communication audiovisuelle à part entière. Dès lors, ces derniers peuvent être poursuivis pour atteinte à la souveraineté nationale ; violation du secret d’Etat ; atteinte à la défense nationale ; non-respect des institutions de la République ; atteinte à la dignité de la personne humaine ; violation de la propriété d’autrui ; non-respect du caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion ; non-respect des exigences de service public, etc. En outre, il leur est interdit de publier des informations incitant à la haine, à la discrimination ethnique, sociale et religieuse, à la xénophobie, etc. Par ailleurs, la Haute autorité de la communication audiovisuelle (HACA) peut demander la suppression de ces informations en ligne ; et en cas de refus, la loi prévoit une amende allant de 2 à 10 millions de FCFA et une peine de 3 mois à 1 an de prison.
L’Etat ivoirien a mis en place des structures spécialisées dans la lutte contre la cybercriminalité. Grâce à leurs investigations, l’identification et la traque des auteurs de cyber crimes devient facile. Ce sont la Plateforme de lutte contre la cybercriminalité (PLCC), le Laboratoire de criminalistique numérique (LCN) et l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI).



