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jeudi 19 septembre 2024
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Vol dans le couple: le conjoint peut-il porter plainte ?

Une plainte pour vol dans le couple peut faire intervenir l’immunité familiale, c’est-à-dire l’impossibilité pour l’un des conjoints de porter plainte contre l’autre. Maître Alain Aboa explique dans quel cas cette immunité familiale peut être levée, en droit pénal.

Il y a quelques années, j’ai eu à assurer la défense d’une dame accusée de vol par son conjoint, fait qu’elle n’a jamais reconnu ni à l’instruction, ni pendant le procès, et pour cause : son concubin, voulant se débarrasser d’elle au profit d’une jeune fille, n’a rien trouvé d’autre que la voie de l’opprobre et de l’infamie. Hélas pour la femme éconduite, elle n’était pas liée au goujat par les liens du mariage civil, seule union juridiquement reconnue par le droit ivoirien. La situation aurait-elle été différente si les conjoints étaient civilement mariés ? Assurément oui, puisqu’aux termes de l’article 103 du code pénal, « ne peuvent donner lieu qu’à des réparations civiles les infractions contre la propriété commises par un conjoint au préjudice de l’autre… ». En d’autres termes, aucun époux, aucune épouse ne peut porter plainte à la police, à la gendarmerie, ou saisir le Procureur de la République pour un vol commis à son préjudice par son conjoint. Une telle situation, que le droit appelle immunité, est une cause d’irresponsabilité pénale résultant de la qualité de l’auteur fondée sur le lien de parenté.
Une telle immunité résultant du lien de parenté ou immunité familiale vise à protéger la cohésion de la famille ne fait pas disparaître l’infraction : elle constitue un obstacle de procédure car il s’agit d’une cause d’irrecevabilité de l’action publique. Ce qui signifie que les autorités de poursuite (policiers, gendarmes, procureurs, juges d’instruction) ne peuvent pas et ne doivent pas recevoir une plainte dirigée contre une personne couverte par l’immunité familiale. Dès lors, deux questions méritent d’être posées. Quelles sont les personnes couvertes par l’immunité familiale?

Trois catégories de personnes sont bénéficiaires de l’immunité familiale patrimoniale, c’est-à-dire quand l’infraction touche aux biens, à la propriété. En effet, outre les conjoints et le veuf ou la veuve «quant aux choses ayant appartenu à l’époux décédé», l’article susvisé 103 du code pénal étend l’immunité familiale aux personnes ci-après :
A l’«enfant ou autre descendant au préjudice de ses père ou mère ou autres ascendants, par la mère ou père ou autres ascendants au préjudice de leurs enfants ou autres descendants »
Aux « alliés aux degrés ci-dessus, à condition que l’infraction ait été commise pendant la durée du mariage »
Au regard des catégories de personnes bénéficiaires de l’immunité familiale, on observe que le législateur est obsédé par le souci de préserver l’honneur et la cohésion de la famille. Il n’est donc pas surprenant qu’entre époux, l’immunité pénale survit, même après le décès d’un conjoint. L’immunité couvre également les enfants à l’endroit de leurs ascendants et vice versa, ainsi que les alliés, mais seulement pendant la durée du mariage.
Il faut regretter qu’entre conjoints vivants ou survivants et entre alliés, pour qu’il y ait immunité pénale, il faut qu’il y ait mariage civil, ce qui exclut les mariages coutumiers.

Par Alain Aboa,
Professeur à la faculté de droit de l’université FHB,
Avocat au barreau de Côte d’Ivoire

NB: Les titres et le chapeau sont de la rédaction

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