L’autre père du rap ivoirien s’est éteint, le 15 décembre 2022, à Ouagadougou, à l’âge de 56 ans, plongeant l’underground ivoirien dans le blues.
MC Claver avait trois religions : le rap, le christianisme et la politique. C’est cet homme foisonnant que les mélomanes ivoiriens ont découvert, au début des années 90. Le bouillant garçon qui a appris à « tutoyer les platines » sur les bords de la Seine est venu rejoindre, en Côte d’Ivoire, son père Maurice Yaméogo, premier président de l’ancienne Haute Volta (Burkina Faso), contraint à la démission et à l’exilpar une insurrection populaire, en 1966.
Le jeune Claver César Auguste Roméo Kiswensida Yaméogo s’intègre vite dans son nouveau pays d’accueil. Yves Zogbo, célèbre animateur et producteur radio / télé, le prend sous ses ailes et il l’aide à être recruté à la radio Fréquence 2. Cet amoureux de la musique rap, un genre musical né dans le milieu des années 1970, dans les ghettos américains du Bronx, va faire passer le courant entre lui et les jeunes auditeurs de la radio. L’émission baptisée « Zone rap », qu’il anime les mercredis à 14h, pulvérise l’audimat. Il en est de même pour « Sound system », son autre émission qui rencontre l’assentiment d’une jeunesse conquise. MC Claver fait des émules. Cette période que d’aucuns ont qualifiée de « printemps du rap ivoirien » plonge la jeunesse dans la passion.
Certes, Yves Zogbo Junior, en débarquant de la France en 1985, avait réussi à créer une effervescence autour du hip-hop, mouvement englobant le rap. On retiendra de cette ferveur, l’enregistrement d’un opus avec ses camarades de « Abidjan City Breakers ». Néanmoins, avec MC Claver, l’engouement pour le rap dépasse les limites de la raison. Les jeunes découvrent en cet animateur atypique, l’apôtre de leur nouvelle « religion ».
Dans la foulée, Almighty et Stezo, deux jeunes rappeurs locaux, s’affrontent verbalement ou par chansons interposées, si ce n’est par le truchement d’interviews incendiaires. Angelo Dogba s’y invite. Le point culminant de ces antagonistes orchestrés, c’est ce clash radiodiffusé entre MC Claver et l’animateur Baba Cool, en 1997. C’est dans l’ambiance de cette surenchère verbale et musicale que MC Claver quitte brusquement les platines pour embrasser la foi chrétienne. De retour au Burkina Faso, le ‘’bishop Claver” va créer son église dénommée Ministère évangélique de puissance des ministres choisis de Christ. Ces derniers temps, son engagement politique s’est traduit par la création d’un parti : le Mouvement pour le Rassemblement Patriotique (MRP). Pour des anciens admirateurs de ses émissions radio sur fond de toasts cadencés et de scratchings enivrants, la décennie MC Claver – des années 90 – sonne comme une symphonie inachevée. Pas si sûr que cela, si l’on admet que la jeune génération qui a été shootée aux sonorités samplées et beats de ce maître de la platine y a trouvé une source inépuisable d’inspiration. Ce ne sont certainement pas des artistes et groupes rap comme Mouss des MAM, Kajeem, Tour de Garde, Nash, Priss K, Billy Billy, Garba 50 et autres, qui diront le contraire. MC Claver est mort, vive MC Claver !
Firmin YOHA
