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vendredi 5 juillet 2024
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Cancer de l’enfant: la souffrance des parents

Chaque année, 1000 enfants sont atteints de cancer en Côte d’Ivoire, dont seuls 40% en guérissent. Ces chiffres donnés par les principales organisations non gouvernementales de lutte contre le cancer pédiatrique, sont aussi bien alarmants qu’effrayants. Dans cette lutte acharnée contre le cancer pédiatrique, les parents, qui sont en première ligne pour tenter de sauver leur enfant, vivent le calvaire.  
  Selon des données épidémiologiques dévoilées dans un article publié en avril 2022 par Pr Atteby Jean-Jacques Yao, Chef du service Oncologie pédiatrique à  Hôpital mère enfant de Bingerville, les cancers de l’enfant entre  0 et 15 ans représentent environ 1% de l’ensemble des cancers. Toujours selon lui, chaque année, près de 400 000 nouveaux cas de cancers sont diagnostiqués dans le monde, chez les enfants. En Afrique francophone, ce taux varie entre 15 000 et 20 000 cas dont 300 nouveaux cas en Côte d’Ivoire. Ces chiffres sont sous-estimés car l’on s’attend à en moyenne 1 000 nouveaux cas de cancers par an,  chez les moins de 15 ans en Côte d’Ivoire. Chaque jour, le Centre d’oncologie pédiatrique du CHU de Treichville et celui de l’Hôpital mère-enfant de Bingerville reçoivent des enfants souffrant de cancer. A leurs côtés, des parents qui ne savent plus où donner de la tête. Eux qui découvrent une maladie dont ils étaient loin d’imaginer les conséquences. 

« J’ai vu l’enfer…»

Les symptômes de cette maladie sont visiblement méconnus des parents qui ne voient donc pas le danger venir. Ce fut le cas de Sidibé dont l’enfant saignait du nez. Résidant dans la circonscription de Guitry, il a pensé à des saignements qu’on pouvait facilement faire cesser. L’homme se rend en 2021 au dispensaire. Mais là-bas, les choses sont plus compliquées qu’il ne l’avait imaginé. 

« On m’a demandé de me rendre à l’hôpital de Divo. Quand j’y suis arrivé, les médecins ont découvert que mon fils faisait une leucémie, un cancer. Nous nous sommes retrouvés au Chu de Treichville, en août 2021. Ce n’était pas facile pour un débrouillard comme moi. J’ai vu l’enfer. Il fallait faire des séances de chimio à près de 600.000 francs », relate-t-il. Dans ces moments difficiles, Sidibé reconnait tout de même l’accompagnement des ONG et celui du personnel soignant. Les nombreux efforts financiers et autres soutiens n’ont pas permis à son fils de sortir vivant de ce centre. Le petit Sidibé est décédé, le 22 janvier 2022. 

« Je suis totalement ruinée et malade».

Si M. Sidibé a terminé son témoignage par un grand soupir fataliste, mémé Traoré de Sassandra ne s’est toujours pas remise de cette séparation d’avec son petit-fils Sékou, dont le cancer a été diagnostiquée tardivement. « Sur le ventre de mon petit-fils, nous avions découvert une boule. Nous sommes allés à l’hôpital. Là-bas, on nous a demandé de partir au Chu de Treichville. Une fois là-bas, le bébé a été hospitalisé après le diagnostic d’un cancer de rein », se souvient-elle. Sa grand-mère doit ainsi supporter une situation inattendue. A son bébé, on retire un rein. Pour la mémé, c’était trop dur. 

«J’ai fait tout pour avoir une prise en charge. Mais rien n’y fait. Ce sont plusieurs millions qui ont été engloutis dans le traitement », indique la grand-mère affligée. La dame se dit, aujourd’hui, 

« totalement ruinée et malade ».  Après un an quatre mois passés au Chu de Treichville, le petit Sekou n’a pas survécu. 

Marie-Chantal retrouve son fils mais «perd» son mari !
Tout au long de nos échanges, Marie-Chantal Chawa n’a pas cessé de remercier Dieu. Pour elle, si son fils a eu plus de chance, c’est par pure grâce. Lui dont la maladie n’a pas été diagnostiquée plus tôt. Sa mère se souvient du passage de son fils au Centre d’oncologie pédiatrique du Chu de Treichville. « Je suis restée au Chu de Treichville avec mon fils atteint de cancer pendant 1 an 4 mois.  Ce n’était pas du tout facile. Pour une séance de chimio, on dépensait près de 6 millions de francs CFA. Quant aux médicaments, nous nous faisions aider par les ONG comme l’ONG Adorades, dirigée par Mme Koffi Isabelle », soupire-t-elle. C’est en juin 2023 que maman Chawa et son fils ont été autorisés à quitter le Centre d’oncologie pédiatrique du Chu de Treichville. Cette longue période d’hospitalisation n’a pas seulement affecté les finances du couple. Le père de famille, après la guérison miraculeuse de son fils, a préféré s’éloigner de la mère pour vivre une autre vie amoureuse. Quant au jeune Assi David, en classe de 4e, il poursuit ses études et passera le Bepc l’année prochaine. 

Dans les couloirs de l’Unité d’oncologie pédiatrique du Chu

Arpenter les couloirs de l’Unité d’oncologie pédiatrique du Chu de Treichville vous soumet forcément à une épreuve de vive émotion. Vous y entendez quelques sourires d’enfants, qui contrastent avec des visages pensifs de parents pour qui chaque jour est un supplice de plus. De la salle d’attente en passant par la salle de soins, la salle récréative ou encore celle d’isolement, les responsables de cette unité y ont mis de la vie dans chaque décor fait de dessins captivants pour enfant. Car la lutte contre le cancer des enfants dans cette unité est quasi-quotidienne. Et dire que derrière ce décor attrayant, se cache des difficultés. 14 lits pour de nombreux enfants malades qui sont obligés d’occuper une chambre à deux. Chaque jour, les médecins de l’unité d’oncologie du Chu de Treichville tentent, tant bien que mal, de donner le sourire à ces enfants et à leur famille dans une lutte contre le cancer qui n’est malheureusement pas gagnée d’avance. 

La solidarité autour des enfants atteints du cancer

Pour Mme Koffi Isabelle, présidente de l’une des ONG dont le nom est plusieurs fois revenu dans les témoignages des parents, « il faut une véritable chaîne de solidarité autour de ces enfants qui, malheureusement, ne sont pas pris en charge par l’Etat de Côte d’Ivoire ». Dans la plupart des cas, le cancer pédiatrique est diagnostiqué trop tard. C’est d’ailleurs pour cela que les ONG travaillent à une sensibilisation pour un diagnostic précoce. Les parents sont donc appelés à être attentifs à toutes formes d’apparition inhabituelle de bouton, de tumeur, de boule,… sur le corps de leurs enfants. Et cela, à l’effet de se rendre au plus vite dans le centre de santé le plus proche. 

Du traitement du cancer pédiatrique

Selon Pr Atteby, le traitement repose essentiellement sur la chimiothérapie qui reste très efficace avec des taux de rémission de 80% en Occident. Dans notre contexte de travail, ce taux tombe à 30% du fait des difficultés d’accès au traitement. 

La chimiothérapie consiste en l’administration de médicaments antitumoraux en perfusion. « A l’Hôpital mère-enfant, décrit le Pr. Atteby, nous utilisons le protocole international de traitement des lymphomes qui se déroule en 06 cures d’une durée d’une semaine par cure. Les cures sont espacées de deux semaines ». La chimiothérapie, reconnaît le praticien, « entraine beaucoup d’effets secondaires dont les nausées, vomissements, fièvres, anémies et pertes des cheveux ». 

Pour limiter les effets, le professeur Atteby recommande que l’enfant soit bien préparé par des traitements antérieurs: cure anti-palustre, déparasitage, traitement de toute infection découverte, soutien nutritionnel. A en croire le spécialiste d’oncologie pédiatrique, l’hygiène buccodentaire, corporelle et vestimentaire doit être de mise tout le long du traitement. Et lui d’expliquer que ce traitement qui coûte 07 millions de FCFA, n’est malheureusement pas accessible à tous. «Deux enfants reçus sur trois sont vus tardivement et le taux de succès tourne autour de 40%’’, fait savoir le professeur.  

Rappelons que la Côte d’Ivoire ne compte que trois unités d’oncologie pédiatrique. Celles du Chu de Treichville, de l’Hôpital mère-enfant et l’Unité d’oncologie pédiatrique de Bouaké.


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